Rapport Orientation Stratégique 2024

Depuis plusieurs mois, la direction de Sopra Steria SSG semble avoir trouvé son cap : atteindre 13 % de marge opérationnelle en France d’ici 2030. Ce chiffre, répété comme un mantra, donne l’impression d’un cap stratégique clair. Mais à y regarder de plus près, cette ambition repose avant tout sur une réduction des coûts… et des effectifs.

Le rapport d’expertise Sextant est sans appel : en deux ans, la baisse nette des effectifs dépasse 1 000 salarié·es, soit plus de 10 % de la masse salariale. Et cette tendance ne fait que se renforcer. Car si la direction ne parle jamais officiellement de plan social, les chiffres racontent une autre histoire.

Les ruptures conventionnelles deviennent l’outil privilégié pour « ajuster » les effectifs sans déclencher d’alerte officielle. En 2024, 2 % des salarié·es de Sopra Steria en France ont quitté l’entreprise via ce dispositif. Loin d’être un simple accompagnement des mobilités, il s’agit désormais d’une stratégie de gestion active des départs, ciblée, pilotée, assumée.

Et les chiffres explosent : dans les entités Conseil, Intégration et SRES, le nombre de ruptures conventionnelles a littéralement doublé entre 2022 et 2023, et continue de croître fortement en 2024 :

  • Conseil : 25 en 2022, 75 en 2023, 116 en 2024 — soit x4,5 en deux ans ;
  • Intégration : 116 → 227 → 271 ;
  • SRES : 16 → 32 → 33.

Sur ces trois entités, on passe de 157 ruptures en 2022 à 420 en 2024. C’est une augmentation de 167 %.

Et ce n’est pas qu’une question de volume : la part des ruptures conventionnelles dans les sorties totales ne cesse d’augmenter. Pour le Conseil, elles représentaient 9 % des sorties en 2022, puis 26 % en 2023, et désormais 40 % en 2024. Autrement dit, 4 départs sur 10 se font désormais par ce biais, souvent sans alternative proposée.

Ceux qui partent ne sont pas en fin de carrière, ni à l’initiative d’un changement de vie. En 2024, l’âge moyen des salarié·es ayant eu recours à une rupture conventionnelle est de 39,5 ans : l’âge de la pleine expertise, des responsabilités, de la stabilité familiale. On ne parle pas de choix individuels, mais d’une politique qui vise clairement des profils expérimentés, coûteux, devenus « moins stratégiques » dans la logique purement financière du moment.

Dans le même temps, les embauches s’effondrent : –31 % entre 2022 et 2023, et –43 % pour les jeunes diplômé·es. La pyramide des âges se déséquilibre, l’usure s’installe, et les collectifs de travail se retrouvent fragilisés. Le tout, sur fond de projets gelés, d’investissement en baisse et de communication floue autour des « transitions » IA ou France 2030.

Et pourtant, les résultats sont là : chiffre d’affaires en hausse, marge France à 9,1 %, résultats record. Mais ces bons résultats ne profitent pas aux salarié·es. Pas de hausse significative des salaires, pas d’amélioration des conditions de travail, pas de reconnaissance à la hauteur des efforts fournis.

En parallèle, la direction continue de distribuer des actions gratuites à une petite poignée de salarié·es jugé·es « méritant·es » par le Directeur général. C’est ce qu’on appelle les LTI (« Long Term Incentives », ou primes différées sous forme d’actions) : une forme de bonus sur plusieurs années, réservée aux cadres dirigeants ou à des profils ciblés.

Le plan LTI 2025 concerne seulement 1 % des effectifs, avec un âge moyen de 50 ans, et prévoit de distribuer 143 000 actions gratuites dans les années à venir. Dans le même temps, les LTI 2022 viennent d’être officiellement attribués, en 2025, à 412 personnes, pour un total de 198 000 actions. Autrement dit, pendant qu’on pousse des centaines de salarié·es vers la sortie, on récompense grassement une minorité triée sur le volet.

Ce modèle, fondé sur la réduction de la masse salariale pour augmenter mécaniquement la rentabilité, n’est ni soutenable, ni responsable. Il épuise les équipes, sacrifie les savoir-faire, et fait peser tous les risques sur les salarié·es.

Nous continuerons à interpeller la direction, à défendre les droits des salarié·es et à dénoncer cette stratégie à courte vue. Mais pour cela, nous avons besoin de vous : vos témoignages, votre vigilance, votre mobilisation.

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